La question faussement naïve ou provocatrice de Claude Coquelle peut prêter à sourire si l'on ne connaît pas l'opposition historique de la psychologie et de la sociologie. Les deux disciplines se sont longtemps construites l'une contre l'autre dans une logique d'exclusion réciproque.
La psychosociologie et la sociologie clinique défendent une position qui postulent que la construction identitaire humaine, la subjectivité ne peuvent se résumer uniquement soit au seul développement psychique soit au déterminisme social. Quelles incidences dans le champ de la psychothérapie ? L'ouvrage collectif La part de social en nous, sociologie clinique et psychothérapies est une invitation à une clinique de la complexité. Une réflexion sur l'accompagnement thérapeutique de la personne humaine, entité globale bio-psycho-sociale, dont chacune de ces trois dimensions comptent dans son parcours de vie et donc de psychothérapie. Il ne s'agit pas de faire une synthèse fade et incohérente des différentes disciplines mais au contraire d'enrichir la pratique d'une dimension d'écoute supplémentaire tout en permettant au praticien de garder son courant singulier : des chapitres rédigés par une psychanalyste, un Gestalt-thérapeute, un systémicien et d'autres psychothérapeutes illustrent comment l'apport de la sociologie clinique ouvre à des questionnements importants et des possibilités de changements pour les patients. Questionnements qui n'auraient peut-être pas été entendus, abordés ou travaillés sans cette écoute plus attentive tournée vers le social : l'histoire de la personne et son histoire familiale ne s'entendent plus que du côté des relations interpersonnelles, du développement psycho-affectif mais aussi dans une approche plus sociologique : par exemple, la honte des origines sociales peut créer des difficultés relationnelles et professionnelles quand bien même la famille et les parents ont été attentifs et aimants. Les normes de notre société hypermoderne s'infiltrent également dans la thérapie : les représentations de genre (qu'est-ce qu'être un homme ou une femme aujourd'hui ?), la quasi injonction au bonheur et à un développement personnel continuel... A condition d'en être conscient, la thérapie est aussi un lieu où ces évidences peuvent se remettre en cause et ainsi ouvrir la possibilité d'accepter ces normes, peut-être sans en être dupe ou de se les approprier dans une mesure non souffrante pour soi et pour les autres ou d'imaginer encore d'autres options. L'ouvrage, plutôt à destination des professionnels, ouvre de nouvelles perspectives à tous les professionnels de la relation d'aide, aux psychothérapeutes et psychanalystes, pour leur permettre de mieux intégrer dans leur pratique la part de social en nous. La parution est récente, des conférences avec les auteurs ont été organisées dans différentes villes, mais à ce jour, aucun passage par Strasbourg n'est annoncé. DE GAULEJAC, V. ; COQUELLE, C. (sous la direction de). 2017. La part de social en nous Sociologie clinique et psychothérapie, Toulouse, Erès. www.editions-eres.com/ouvrage/4092/la-part-de-social-en-nous
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AuteurPierre-André Beley, psychosociologue et Gestalt-thérapeute, praticien en psychothérapie à Strasbourg. Archives
Septembre 2023
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